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Ouverture du Centre culturel cri Aanischaaukamikw à Oujé-Bougoumou

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Vendredi dernier, le 8 juin 2012, plus de deux cents personnes se sont rassemblées à Oujé-Bougoumou pour célébrer un jalon important dans l’histoire de la nation crie québécoise: l’ouverture officielle de l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw. Étant l’une des personnes privilégiées qui a assisté à la cérémonie, j’ai pensé partager un résumé des événements de la journée.

Mais d’abord, débutons par une introduction rapide à Oujé-Bougoumou, “l’endroit où les gens se rassemblent”. La communauté de 725 personnes est située au-dessus du 49e parallèle dans l’Eeyou Istchee (la partie du territoire du Nord du Québec réservée à la nation crie), plus de 700 km au nord de Montréal ou d’Ottawa. Comme on peut le lire sur le site d’Oujé-Bougoumou: “Au cours de la plus grande partie du dernier siècle, les Cris d’Oujé-Bougoumou ont vécu une triste histoire d’abus, de dépossession et de négligence résultant des efforts concertés des entreprises minières et forestières ainsi que des gouvernements successifs tant au provincial qu’au fédéral… En raison de la collusion entre les compagnies minières et les gouvernements du Québec et du Canada, nous avons été forcés de déplacer nos villages sept fois en 50 ans. La politique en place était clairement d’essayer de nous faire disparaître.”

C’est il y a à peine vingt cinq ans, en 1987, qu’un accord a finalement été obtenu et un nouveau site permanent pour Oujé-Bougoumou a été identifié. En marchant dans les rues du nouvel Oujé-Bougoumou on se rend vite compte que c’est tout sauf un endroit ordinaire. La communauté a été conçue dans les années 1990 par le célèbre architecte métis Douglas Cardinal. Il s’est inspiré de la structure traditionnelle des habitations cries (appelée le astchiiugamikw) pour de nombreux bâtiments de la communauté: l’école, la garderie, l’église, le complexe sportif, le siège social de la nation crie, les résidences des aînés, … Tous ces bâtiments ont une charpente en bois et épousent une forme rappelant celle d’un tipi.

Vue du centre d'Oujé-Bougoumou. L'église à la droite. Le complexe sportif au centre et le pavillon à gauche.

En 1995, moins de 10 ans après avoir commencé la construction de leur nouveau village, Oujé-Bougoumou a reçu le prix «We the Peoples: 50 Communities Award” des Nations Unies ainsi que le prix “Global Citizen Award” de l’ONU qui les a récompensé pour avoir construit une communauté qui est respectueuse à la fois de l’environnement et des humains. Un an plus tard, le Centre des Nations Unies pour les établissements humains (UNCHS) a sélectionné Oujé-Bougoumou comme l’une des plus importantes initiatives à pouvoir être qualifiées de meilleures pratiques. Quel exploit!

Le 8 Juin, la nation crie toute entière fêtait une autre réalisation majeure: l’inauguration de l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw. Depuis plusieurs décennies, les aînés Cris exprimaient leur opinion et développaient leur vision d’une place centrale qui permettrait de préserver, protéger et partager leur culture et leurs connaissances. L’Institut culturel cri Aanischaaukamikw (qui signifie «le transfert d’une génération à l’autre”) est la concrétisation de leur vision.

Le pavilion et l'Institut culturel cri Aanischaaukamikw.

Entrée principale de l'Institut culturel cri Aanischaaukamikw faisant face à l'est

Entrée ouest de l'Institut donnant accès à la bibliothèque et au centre de documentation.

Le mur des visionnaires d'Aanischaaukamikw.

Au fur et à mesure que les gens entraient dans le Grand Hall, des règles spécifiques devait être respectées afin que chacun soit assis au bon endroit. Au centre de la Grande Galerie, la première rangée de chaises était réservée à la famille du défunt chef Billy Diamond (le Grand Hall étant nommé en son honneur), les autres rangées étaient réservées pour les aînés. Le côté ouest de la salle (identifié par la bannière “chef Billy Diamond Hall» accueillait les invités de marque. Tous les autres visiteurs et invités remplissaient les côtés est et sud de la salle.

Les invités et VIPs rassemblés dans le Grand Hall Chef Billy Diamond pour les cérémonies d’ouverture.

Prière par le chef Earl Danyluk de Wemindji.

Dans son allocution de bienvenue, M. Abel Bossum, président de la Fondation Aanischaaukamikw, responsable de la collecte des fonds pour la construction du bâtiment, a noté que cette campagne de financement a recueilli plus 25 millions de dollars, ce qui en fait l’une des campagnes autochtones les plus réussies au Canada !

Abel Bossum, président de la Fondation Aanischaaukamikw

Un groupe de jeunes enfants de la communauté crie de Wemindji a chanté O’Canada.

enfants de la communauté crie de Wemindji a chanté “O’Canada”

Ils ont été suivis par un groupe de jeunes filles de la communauté crie de Waswanipi qui a récité le Notre Père en langue crie.

Jeunes filles de la communauté crie de Waswanipi récitant le Notre Père.

Le grand chef Dr Matthew Come Coon a exprimé sa gratitude envers tous ceux qui ont travaillé pendant de nombreuses années à faire de cette institution une réalité. Enfin, plus aucun cri ne devra sortir du territoire d’Eeyou Istchee pour voir des artefacts, des archives ayant trait à sa propre culture. Cette institution permet désormais à la nation crie du Québec de débuter le rapatriement de dossiers et d’objets qui ont été conservés jusqu’ici dans le Sud.

grand chef Dr Matthew Come Coon

Le Dr Come Coon a également profité de l’occasion pour rendre un hommage à ses parents. Étant l’un des enfants de l’ère des pensionnats, il a expliqué que lors de ses premières sorties sur le territoire avec eux il ne comprenait pas un seul mot de ce que ses parents disaient.

Les parents du grand chef Dr Matthew Come Coon

Le Dr Come Coon a également félicité Mme Dianne Reid Ottereyes pour s’être vue décerner la médaille du Jubilé de diamant de la reine Elizabeth II en reconnaissance de son rôle dans la préservation de la culture crie ayant conduit à la création de l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw.

Dianne Ottereyes Reid, présidente du Aanischaaukamikw

La prochaine étape dans la cérémonie a été l’inauguration du Grand Hall. Elizabeth et Ian Diamond, l’épouse et le fils du chef Billy Diamond, ont été invités à dévoiler un portrait de leur époux/père.

Elizabeth et Ian Diamond dévoilant un portrait du Chef Billy Diamond.

Les dignitaires cris ont ensuite été invités à venir à l’avant pour féliciter la famille Diamond et poser pour une photo officielle de la cérémonie d’inauguration.

Les dignitaires félicitant Elizabeth et Ian Diamond

Mme Violet Pachanos, président de Niskamoon, a été la prochaine à s’adresser à la salle bondée. Elle nous a dit à quel point le chef Billy Diamond avait ressenti ce projet de l’institut culturel. Il a rassemblé un conseil d’administration, a recherché du financement, a compris et vu la nécessité de montrer la culture crie au monde entier.

Mrs Violet Pachanos, présidente de Niskamoon

Mrs Pachanos a également cité Pierre-Eliott Trudeau:

Nous devons respect et reconnaissance au passé, sans toutefois devoir le vénérer. C’est dans l’avenir que nous trouverons notre grandeur.

M. Geoffrey Kelly, ministre responsable des Affaires autochtones du Québec, a commencé par remercier les organisateurs d’avoir programmer l’événement un vendredi matin durant lequel l’Assemblée nationale est en session. Se devant d’être présent ici, à son plus grand bonheur, il manquait obligatoirement la période de questions! Dans un discours dynamique et pétillant, M. Kelly a souligné l’importance de cette institution culturelle. Il a expliqué que les négociations sont toujours un travail ardu et que la tendance est d’oublier l’aspect culturel.

Geoffrey Kelly, ministre responsable des Affaires autochtones du Québec

M. Kelly a également reconnu le rôle majeur joué par M. Douglas Cardinal, l’un des deux architectes de l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw et, rappelons-le, l’architecte du village d’Oujé-Bougoumou. L’assemblée ne s’est pas fait prier pour applaudir chaleureusement M. Cardinal.

L’architecte Douglas Cardinal

M. Kelly nous a tous invités à visiter l’exposition 11 nations présentée au Marché Bonsecours à Montréal (jusqu’en décembre 2012) et mettant en vedette le travail d’artistes contemporains des onze nations autochtones du Québec.

Mme Elizabeth Châtillon, sous-ministre adjoint pour les Affaires autochtones et du Nord canadien, s’est estimée privilégiée d’assister à la cérémonie. Plusieurs des ses collègues d’Ottawa tenaient également à être ici. Ayant un léger avantage sur ses collègues de par sa longue amitié avec le directeur de l’Aanischaaukamikw, Stephen Inglis, elle a été invitée à plusieurs reprises pour assister à différents stades de l’évolution du projet. Pour elle, il était tout simplement magique d’être ici et d’assister à la naissance de cette institution de calibre international et de voir Oujé-Bougoumou prendre sa place dans la croissance de la région.

Mme Elizabeth Châtillon, sous-ministre adjoint pour les Affaires autochtones et du Nord canadien

En tant que personne responsable de l’administration et la mise en œuvre de l’Accord de règlement des pensionnats indiens (CRRPI), Mme de Châtillon a également pris l’occasion pour réitérer les excuses profondes du gouvernement fédéral pour les torts causés dans les pensionnats.

Le dernier orateur de la cérémonie d’ouverture fut le président d’Hydro-Québec, M. Thierry Vandal. L’amour et le respect que porte M. Vandal à la culture crie étaient évidents et il s’est dit ravi de faire partie des célébrations pour une réalisation si remarquable! Cotoyant la nation crie depuis 15 ans, il nous a parlé de certaines de ses expéditions de chasse et d’une sortie de pêche avec le chef Billy Diamond. Après avoir suivi les instructions de Billy, il souleva un filet qu’il venait de laisser tomber à peine 30 secondes plus tôt et cru revivre la pêche miraculeuse tant le filet était lourd avec tous les poissons qu’il contenait! Billy venait de se transformer en Jésus-Christ!

M. Thierry Vandal, président d’Hydro-Québec.

Les invités et les visiteurs ont été encouragés à se diriger autour de la piste d’athlétisme de la communauté afin de visiter les divers tipis et recontrer les membres de chacune des 9 communautés cries du Nord du Québec.

Tipis des 9 communautés cries du Nord du Québec

Un peu plus loin sur la route, dans le village culturel, les gens étaient occupés à préparer le festin communautaire prévu en soirée. Voici quelques bernaches du Canada et castors grillant sur le feu de bois.

Bernaches du Canada et castors grillant sur le feu de bois.

Un exemple de l’habitation traditionnelle des Cris, l’astchiiugamikw, peut également être vu dans le village culturel. L’habitation est construite sur un cadre de bois assemblé comme dans un tipi et couvert d’une combinaison de mousse et de sable.

L’habitation traditionnelle des Cris, le astchiiugamikw.

Des branches d’épinette sont utilisées depuis des siècles pour maintenir le sol frais et doux sous les pieds.

Sol recouvert de branches d’épinette.

Oujé-Bougoumou étant situé sur la rive du lac Opémiska, j’ai pris quelques minutes pour m’attarder sur la plage avant de rentrer à l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw pour les spectacles culturels de l’après-midi.

Plage d’Oujé-Bougoumou aux abords du lac Opémiska

Des danseurs et chanteurs de différentes nations autochtones ont participé aux célébrations. Ils sont venus de Maniwaki, de Toronto, de l’Alberta, de Temagami, …

La danse du cerceau

La danseuse du cerceau venait de l’Alberta.

Danseur de Maniwaki, Québec.

Danseur de Toronto.

Danseuse originaire de Temagami, dans le nord de l’Ontario.

Groupe de danseurs devant l’Institut culturel cri Aanischaaukamikw.

Après le festin communautaire, tout était prêt pour le concert de soirée, avec divers artistes cris. Le chanteur Kenny Mianscum, de Oujé-Bougoumou, a ouvert le spectacle.

Kenny Mianscum

Il a été suivi par Flaming Fire, un groupe de Mistissini.

Flaming Fire de Mistissini

Ce couple James & Queenie a volé le spectacle! Ne me demandez pas ce qu’ils racontaient. Je n’en ai aucune idée, leur spectacle étant en langue crie, mais à entendre les rires de la foule et envoyant les gens de tout âge s’approcher le plus près possible de la scène, il était évident que la foule s’amusait pleinement!

James & Queenie

La soirée s’est terminée à 22h pour moi puisque je devais prendre la dernière navette pour le retour à Chibougamau. J’aurais bien aimé voir les spectacles de Claude Mackenzie (Innu de Maliotenam), Melisa Pash (Crie de Val d’Or) et de Fort George Rockers (Cris de Chisasibi) mais ce sera pour une prochaine occasion.

Coucher du soleil à Oujé-Bougoumou.

Institut culturel cri Aanischaaukamikw à l’heure du coucher du soleil

Ce fut un grand privilège d’être témoin de ce moment historique. La nation crie du Québec a toutes les raisons d’être très fière de ses réalisations. Il me semble qu’une réussite telle que celle d’Oujé-Bougoumou devrait faire les manchettes dans le Sud, non?

Grand merci à Tourisme Baie James de m’avoir permis d’effectuer ce séjour.

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