(English version of this post)
Bonjour à tous,
Dimanche dernier, j’ai eu le grand plaisir de passer une bonne partie de la journée à Perth (Ontario) avec Bruce Raby, un collègue photographe, et sa petite-fille Oksana. Après un agréable déjeuner dans le centre-ville de Perth, nous sommes allés au Studio Theater pour assister à une pièce de théatre et visiter la toute première exposition de photographie de Bruce. Membre du Lanark County Camera Club, Bruce est aussi un bénévole actif au Studio Theatre. Quand il a su qu’aucun artiste était cédulé pour exposer durant le mois de février, il a offert d’accrocher une vingtaine de ses photographies préférées sur les murs du foyer du théâtre.
Sachant que Bruce avait inclus dans l’exposition quelques-unes de ses photographies d’ours polaires prises à Churchill (ainsi que quelques images prises l’automne dernier dans le nord du Labrador lors d’un voyage pour observer la migration des caribous), j’étais des plus intéressée à visiter son exposition et entendre quelques-unes des histoires derrière ses photographies.
J’ai fait la connaissance de Bruce il y a un an lorsqu’il m’a contacté dans le but de faire une présentation de mes voyages dans l’Arctique pour MUGS, un groupe d’hommes du Rideau Seniors Centre à Manotick (Ontario) pour lequels il organise des sorties et des présentations. Au cours de nos échanges de courriels, Churchill est venu sur le sujet. C’est là que nous avons réalisé qu’à l’automne 2010, nous avions tous les deux participé, à quelques jours d’intervalle, au programme “Les seigneurs de l’Arctique” offert par le Centre d’études nordiques de Churchill. Je faisais partie du premier groupe (26 octobre-2 novembre). Bruce est arrivé une semaine plus tard pour participer au second séjour (9 au 16 novembre).
Les participants à cette deuxième semaine ont eu la chance que, pendant cette pause entre les deux programmes, les étangs le long de la côte de la Baie d’Hudson avaient commencé à geler. Ils ont donc été en mesure d’obtenir des clichés des ours marchant sur la glace. Une des photos prises par Bruce lors de leur toute première sortie est celle d’une mère et de son ourson d’un an qui se reflètent sur l’eau qui recouvre la glace. Il a intitulée cette photographie “Quatre ours polaires”. Cette image a non seulement été incluse dans le livre A Country for all Seasons du Reader’s Digest mais elle a également été sélectionnée pour la jaquette arrière du livre et pour la table des matières. Je pense que vous serez tous d’accord pour dire que cette photographie de Bruce méritait bien d’être ainsi mise à l’avant-plan.
Comme Bruce l’expliqué, les deux ours ont d’abord été repérés au loin. Le Tundra buggy s’arrêta et attendit. La paire mère-ourson s’est lentement approchée en traversant un étang gelé. C’est lors de cette traversée que la photo a été prise. Lorsque les ours montèrent sur la terre, la mère remarqua un ours mâle qu’elle trouvait un peu trop proche de son rejeton. Elle a alors commencé à montrer des signes qu’elle n’appréciait pas sa présence. C’est la photo que vous voyez juste au-dessus la tête de Bruce dans la première photographie ci-dessus. On voit que la mère fixe quelque chose à sa droite et elle semble prête pour un combat. L’image du haut est aussi une photographie de cette même ourse alors qu’elle traversait l’étang. Bruce m’a fait remarquer la cicatrice ronde juste en dessous de l’œil gauche de l’animal. Cette marque lui permet de la reconnaître très facilement sur ses photographies.
Le groupe a observé le duo pendant environ 40 minutes. Le Tundra buggy, lui, est resté dans la même zone pendant 2-3 heures puisqu’il y avait plusieurs autres ours et suffisamment d’activité tout autour. Le numéro de Décembre-Janvier 2012 de la revue Our Canada a publié un article écrit par Bruce dans lequel il décrit cette première sortie en Tundra buggy. Sans plus tarder, je cède la parole à Bruce et vous permet de lire un extrait de cet article :
Peu de temps après être monté à bord du buggy, quelqu’un a crié “Ours polaire!” Soudainement, tout le monde regarda vers la droite, tentant de l’entrevoir quelque part sur la taïga. Après tout, c’était la raison pour laquelle nous étions ici. Nos attentes et l’excitation étaient élevées alors que nous scrutions la taïga en essayant de trouver l’ours polaire qui avait été aperçu. Nous l’avons repéré, couché sur le bord recouvert de neige d’un petit étang. Il était bien loin, soit à plusieurs centaines de mètres de notre Tundra buggy qui s’était arrêté. Nul doute que l’ours était conscient de notre présence bien avant nous soyons conscients de la sienne. Lentement, il se leva et se mit à marcher à travers la taïga en notre direction, nous paraissant de plus en plus gros à chaque pas. Il nous a semblé parcourir la distance en quelques secondes, couvrant environ trois mètres à chaque foulée.
La partie supérieure de toutes les fenêtres a rapidement été abaissée et des appareils photo ont mis leur nez dehors, le son des déclencheurs était entendu partout dans le buggy. L’ours polaire a continué à avancer directement vers nous, sans changer son rythme, sa grosse tête se balançant lentement d’un côté puis de l’autre alors qu’il s’approchait. Son pelage blanc cassé, légèrement jaunâtre, semblait s’ébouriffer. Se déplaçant dans un silence parfait, il avançait avec une démarche étrange, inclinant ses pattes avant légèrement vers l’intérieur avant de mettre tout son poids sur elles, alors que ses pattes arrière étaient tournées en dedans. Son nez noir se contractait pour sentir ce qui se passait autour de lui.
L’ours se déplaçait sans effort, sans peur, et certainement pas dérangé par notre présence. En fait, il semblait curieux à propos de cette autre bête étrange, le Tundra buggy, qui envahissait son monde. Il a continué son chemin directement vers nous, s’arrêtant brièvement à l’approche de l’arrière de notre véhicule.
Par ce temps-là, un certain nombre d’entre nous étions sur la plateforme extérieure à prendre des photos aussi rapidement que nos appareils le permettaient. Cet ours pesait probablement 400 kilogrammes. Nous avons pu voir ses énormes canines et ses pattes massives avec leurs longues griffes noires. Lorsqu’il est arrivé près de nous, il a passé tout droit, s’éloignant en passant à notre gauche. En peu de temps, il était, encore une fois, à plusieurs centaines de mètres.
Notre chauffeur nous a demandé de retourner à nos sièges puis il a mis en marche l’engin Cummins propulsé au diesel. C’est alors que nous avons commencé à rebondir et à tanger alors que nous progressions sur la route tracée à travers le terrain accidenté et à demi gelé de la taïga pour continuer notre quête d’autres ours polaires.
Au cours de nos deux sorties sur la taïga, nous avons pu observer plusieurs différents comportements des ours polaires. Ils n’ont peur de rien. Ils sont curieux. Ils déambulent avec un air fanfaron qui suggère qu’ils savent très bien qu’ils sont les seigneurs de l’Arctique, les rois et les reines de leur domaine. Ils se bagarrent et se chamaillent pour s’amuser, ou peut-être pour se pratiquer en vue de la vraie vie sur la glace. On peut voir leurs dents massives qui tirent sur la peau leurs adversaires. Cette grande dépense d’énergie dure de cinq à dix minutes et se termine rarement dans le sang ou causant des blessures.
La plupart du temps, cependant, ils relaxent et économisent leur énergie dans une grande variété de poses. Pas une seule fois nous avons vu un ours polaire courir. Nous en avons observé un qui a glissé tête première vers le bas d’une petite pente enneigée sur le ventre comme s’il était sur un toboggan. C’est l’un des moyens que les ours polaires utilisent pour se nettoyer après avoir festoyer sur un phoque. Nous avons pu observer un autre ours se secouer à sec après être sorti des eaux glaciales de la baie d’Hudson, sa fourrure huileuse étant hydrofuge. Bien que nous n’ayons pas vu de nouveau-nés, nous avons aperçu quelques femelles adultes rester très proches de leurs jeunes oursons lorsqu’il y avait des ours mâles dans les environs.
Bruce a terminé son article par le paragraphe suivant:
Après mon retour à Perth et pensant à mon expérience, je dois dire que c’est vraiment un endroit magique. Observer les ours polaires de près est une expérience unique dans une vie et d’avoir eu la chance d’en apprendre un peu plus sur eux en même temps est inestimable. J’encourage tous ceux qui veulent voir ces merveilleux ours de faire le voyage à Churchill, après tout, c’est pratiquement dans notre propre arrière-cour.
Merci Bruce de m’avoir permis de revivre ces beaux souvenirs de Churchill. Félicitations pour ton exposition et j’espère qu’elle sera présentée à plusieurs autres occasions.
France Rivet
Wow! très belle photo et félicitations à Bruce.
Très bon texte et on ressent que vivre une telle expérience
restera toujours parmi vos plus beaux souvenirs de voyage
et de photographes.