(English version of this post)
Bonjour à tous!
Vendredi le 7 novembre, les Inuits du monde circumpolaire célébraient la Journée internationale des Inuits. Aurions-nous pu trouver une meilleure occasion pour annoncer la publication du livre Sur les traces d’Abraham Ulrikab qui dévoile le résultat de notre recherche, qui s’est échelonnée sur quatre années, et qui visait à connaître ce qui est advenu des restes de huit Inuits du Labrador qui sont décédés en Europe en 1880-1881?
Horizons Polaires est très fière d’annoncer à la communauté inuite que les restes (entiers ou partiels) de sept des huit Inuits qui ont quitté Hebron, au Labrador, en août 1880, ont été retrouvés en Europe. Plus précisément, les squelettes d’Abraham, de son épouse Ulrike, de leur fillette Maria, du jeune célibataire Tobias, et du chaman Tigianniak ont été trouvés à Paris. La calotte crânienne de l’épouse de Tigianniak, Paingu, qui avait été prise par Johan Adrian Jacobsen, celui qui les a recrutés et qui agissait comme leur impresario durant la tournée européenne, se trouve elle aussi à Paris. Pour finir, le crâne de Sara, la jeune fillette de 3 ans qu’Abraham et Ulrike ont dû laissée à l’hôpital de Crefeld au moment où le groupe se devait de partir pour Paris, a été localisé à Berlin. À l’heure actuelle, l’adolescente de 15 ans, Nugassak, est la seule personne du groupe dont les restes n’ont pas été retrouvés.
La communauté inuite du Nunatsiavut a été informée de ces découvertes au début septembre lorsque France Rivet, la recherchiste et l’auteure du livre, et une équipe cinématographique de Pix3 Films se sont rendus à Nain pour rencontrer le comité des aînés. Cette visite était également l’occasion idéale pour débuter le tournage d’un documentaire qui sera diffusé à l’automne 2015 à l’émission The Nature of Things with David Suzuki sur le réseau anglais de Radio-Canada ainsi que sur TV5 Canada.

France Rivet et Johannes Lampe, le chef des aînés de la communauté de Nain, alors qu’ils s’adressaient au comité des aînés.
Tel que Johannes Lampe, le chef des aînés de la communauté de Nain, l’a résumé, les aînés sont clairement parvenus à un consensus lors de cette rencontre : Abraham et son groupe devraient rentrer à la maison! Afin que tous les résidents du Nunatsiavut soient mis au courant, France et Guilhem Rondot, le réalisateur du film, ont accordé une entrevue radiophonique à la OK society pour discuter du film et des faits dévoilés dans le livre (entrevue en anglais).
Plus tard en septembre, Johannes a entrepris son propre voyage sur les traces d’Abraham, son but étant de mieux comprendre les événements du XIXe siècle pour ensuite conseiller judicieusement sa communauté sur les mesures qui devraient être prises. Johannes était accompagné par France et l’équipe de Pix3 Films. Pendant deux semaines, le groupe a visité divers sites où les Inuits ont séjourné, a rencontré des historiens, des archivistes, des conservateurs de musée, des diplomates canadiens ainsi que des descendants tant de Johan Adrian Jacobsen que de Carl Hagenbeck, le propriétaire de la ménagerie et pionnier de spectacles ethnographiques qui avait engagé Jacobsen.
À son arrivée à Paris, Johannes a accordé une entrevue radiophonique en direct (en Inuktitut et en anglais) à la OK Society afin d’informer sa communauté sur ce qu’il a vécu durant la première moitié de son séjour, soit celle s’étant déroulée en Allemagne. Comme il l’a expliqué, l’un des moments les plus importants pour lui fut sa rencontre avec le professeur Hartmut Lutz. Depuis plus de 27 ans, le professeur Lutz consacre temps et énergies à faire connaître la tragique histoire d’Abraham. En 2005, avec ses étudiants de l’Université de Greifswald, il a traduit en anglais et publié le journal d’Abraham. En 2007, il en a publié une version allemande. Plus récemment, en 2014, c’est lui qui a traduit en anglais le journal de Johan Adrian Jacobsen, journal qui a été publié par Horizons Polaires sous le titre Voyage avec les Eskimos du Labrador, 1880-1881.

Johannes Lampe et Hartmut Lutz parcourent le journal de Johan Adrian Jacobsen. Museum für Völkerkunde Hamburg.
Une autre occasion identifiée par Johannes comme étant significative fut sa visite au zoo de Berlin. Alors qu’il marchait autour de l’étang où, en novembre 1880, Abraham, Tigianniak et Tobias ont chassé un phoque, Johannes a déclaré qu’il pouvait ressentir l’excitation des trois hommes.
Mais, sans équivoque, la journée la plus intense du voyage fut celle où Johannes a rencontré les conservateurs du Musée de l’Homme, lorsqu’il a pris connaissance de la documentation confirmant l’identité des restes humains puis lorsqu’il s’est retrouvé devant les squelettes d’Abraham, d’Ulrike, de Tigianniak, de Tobias et de la petite Maria.
Vous vous demandez probablement si les restes seront ramenés au Labrador? Comme l’a expliqué Dave Lough, sous-ministre de la culture, des loisirs et du tourisme du Nunatsiavut et directeur du Centre culturel Torngâsok, lors du 19e Congrès Études Inuit à Québec, le gouvernement du Nunatsiavut doit compléter diverses étapes avant que la demande de rapatriement ne soit initiée. Par exemple, de nouvelles consultations doivent être menées auprès des aînés, un protocole entourant toute nouvelle demande de rapatriement doit être rédigé, et une recherche pour identifier des descendants vivants doit être effectuée. Si tout va bien, une décision devrait être prise au courant de l’année 2015.
Un élément important qui joue en notre faveur est le fait que, le 14 juin 2013, le premier ministre Stephen Harper et le président François Hollande ont signé le Programme de coopération renforcée Canada-France dans lequel on peut y lire l’engagement suivant dans la section L’Arctique et le Nord :
Travailler avec les autorités compétentes afin de faciliter le rapatriement au Canada d’ossements inuits se trouvant dans les collections de musées français.
Cet engagement a été pris spécifiquement pour Abraham et son groupe.

France Rivet et Dave Lough lors de leur présentation dans le cadre du 19e Congrès Études Inuit à Québec.
Nous sommes ravis qu’après une attente de 133 ans, la vérité soit enfin connue sur le sort réservé aux restes d‘Abraham, d’Ulrike, de Tigianniak, de Paingu, de Tobias, de Nugassak, de Sara et de Maria.
Notre objectif en publiant Sur les traces d’Abraham Ulrikab était de consolider et de rendre disponibles les nombreux documents, au moins ceux que France a trouvé jusqu’à présent, afin que la communauté inuite du Labrador puisse avoir en main les écrits d’Abraham et ceux de ses contemporains. Puissent nos efforts leur être bénéfiques, ainsi qu’à tous les Inuits du monde circumpolaire, dans leur quête pour comprendre les événements de 1880-1881 et enfin boucler la boucle de cette tragique histoire.
Nous tous qui sommes impliqués d’une manière ou d’une autre, nous nous considérons privilégiés de faire partie d’une telle aventure humaine. Puisse ce livre, et les démarches qui ont été prises jusqu’ici, inspirer ceux qui participeront aux futures décisions afin qu’ils donnent une fin positive et constructive à cette histoire.
France Rivet
Où peut-on se procurer les livres Sur les traces d’Abraham Ulrikab et Voyage avec les Eskimos du Labrador, 1880-1881?
Sur Amazon: Sur les traces d’Abraham Ulrikab et Voyage avec les Eskimos du Labrador, 1880-1881
À la boutique en ligne d’Horizon Polaires (version papier, EPUB et PDF)
Pour les bibliothèques, librairies, institutions : la version papier de ces deux titres est disponible par l’entremise du distributeur Édipresse ainsi que par le réseau de distribution d’Ingram. La version EPUB de Sur les traces d’Abraham Ulrikab est également disponible chez Ingram.
Pour plus d’informations:
Trousse médiatique d’Horizons Polaires
L’édition d’automne 2014 de la revue Labrador Life comporte un article de 3 pages intitulé Longed to come home: Killed by smallpox in 1881, the remains of five Labrador Inuit are uncovered in Paris (en anglais).
Merci à Air Labrador d’avoir rendu possible notre séjour à Nain en nous fournissant le transport entre Happy Valley-Goose Bay et Nain.
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