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Retour au pays : L’histoire d’Abraham Ulrikab publiée dans la revue Inuktitut et sur le blogue du World Policy Institute

(English version of this post)

Bonjour à tous,

C’est avec plaisir que je vous annonce que la plus récente édition de la revue Inuktitut (printemps 2015) contient un article, intitulé Retour au pays, sur l’histoire d’Abraham Ulrikab. L’article couvre six pages et est publié dans rien de moins que trois langues :  en inuktitut (écriture syllabique et caractères latins), en anglais, et en français. La mise en page est très intéressante et comprend plusieurs photos du voyage en Europe effectué à l’automne 2014, dans le cadre du tournage du documentaire Piégés dans un zoo humain, en compagnie de Johannes Lampe, l’aîné en chef de la communauté de Nain au Labrador et le représentant du gouvernement du Nunatsiavut.

La version PDF de cette édition de la revue est disponible sur le site web d’ITK. Vous y trouverez l’article aux pages 32-37.

Cover page Inuktitut magazine Spring 2015

Couverture de l’édition Printemps 2015 de la revue Inuktitut

De plus, la version anglaise de l’article a été reproduite dans la section Arctic in Context du blogue tenu par le World Policy Institute.

"Homecoming" published in the "Arctic in Context" section of the World Policy Institute.

“Homecoming” publié sur le blogue du World Policy Institute.

Ceci dit, certaines clarifications sont nécessaires puisque l’article publié dans la revue Inuktitut contient des inexactitudes et des déclarations avec lesquelles je ne suis pas entièrement d’accord. Bien que je sois identifiée comme l’auteur de l’article, des changements majeurs ont été apportés au texte que j’ai soumis. Malheureusement, on ne m’a pas demandé de relire la nouvelle version avant qu’elle soit envoyée à la traduction puis à l’impression. Je suis convaincue que ce fut une erreur de bonne foi, sans aucune intention de faire du tort, tout comme Jacobsen qui a oublié de faire vacciner les Inuits! Dieu merci, les conséquences ne sont pas aussi tragiques! Je suis toujours bel et bien vivante 😉 Et, cette mésaventure me donne une nouvelle occasion de partager certaines de mes connaissances sur l’histoire d’Abraham.

Comme vous pouvez l’imaginer, avant que le World Policy Institute reproduise le texte, j’ai demandé à ce que ces inexactitudes soient corrigées. Le but du présent billet est donc d’expliquer les changements qui ont été demandés. Je suis quelque peu attristée de savoir que tous les foyers inuits du Canada recevront une version de l’article qui ne soit pas 100% correcte, mais ce qui est plus important c’est qu’ils soient mis au courant de cette histoire.

Sans plus attendre, voici donc les sections qui comportent des inexactitudes dont vous devez tenir compte lors de la lecture de l’article tel qu’il paraît dans la revue Inuktitut :

  • Dans le paragraphe d’introduction, on trouve la phrase “il a vu les restes humains de ces personnes, empilés debout“. Je dois avouer que je ne suis pas certaine de comment visualiser cette image de squelettes empilés debout. Une de nos lectrices, Susan Felsberg, a apporté la précision suivante: “Dans le nord, le bois est empilé verticalement comme pour monter un tipi. Ceci afin qu’il puisse bien sécher et être facilement accessible même au pire de l’hiver. Ce qui ne serait pas possible si le bois était empilé à l’horizontal sur le sol”. Les lecteurs du Nord auront donc facilement visualiser la scène. Pour éliminer tout doute, j’ai pensé saisir cette occasion pour vous montrer où les restes sont conservés. Donc, voici une courte vidéo produite en 2012 par Universcience intitulée Visite des collections d’anthropologie du Musée de l’Homme. Elle vous permettra d’entrer dans les réserves du musée où les restes sont conservésLes rangées de boîtes grises que vous voyez au début de la vidéo f0nt partie d’une collection de 18.000 crânes. La calotte de Paingu se trouve dans une de ces boîtes. Pour ce qui est des squelettes d’Abraham, d’Ulrike, de Tobias, et de Tigianniak, ils font partie des squelettes montés qui peuvent être vus de 00:13 à 00:22. Les squelettes sont conservés dans une position debout protégés par une pellicule de plastique. Il n’y a aucun empilage. Selon moi, il faudrait lire il a vu les restes humains de ces personnes conservés dans la position debout“.
  • Dans le premier paragraphe de l’article on peut y lire qu’Abraham a accepté “une offre pour déménager avec sa famille en Europe“. Pour moi, le verbe déménager implique un engagement à long terme, donc, le texte prétend qu’Abraham avait décidé d’émigrer en Europe. Ce n’est pas le cas. Abraham avait accepté de partir pour une période d’une année seulement. Il prévoyait rentrer à Hebron l’été suivant. Selon moi, il faudrait alors lire cette phrase comme suit : a accepté une offre d’être exhibé dans un spectacle ethnographique en Europe pendant un an“.
  • Dans le troisième paragraphe, il est indiqué qu’Abraham “avait probablement entendu parler d’Inuits qui s’étaient rendus en Europe”. Le mot “probablement” devrait être supprimé puisque c’est un fait confirmé que Johan Adrian Jacobsen a utilisé l’exemple des six Groenlandais qu’il avait recrutés en 1877 comme argument pour convaincre les Inuits du Labrador de partir pour l’Europe avec lui. Plus précisément, le jour où les Inuits ont quitté Hebron, Frère Kretschmer, l’un des missionnaires qui a tenté de convaincre Abraham de ne pas aller en Europe, a écrit ce qui suit: “Le fait que les Eskimos savaient que les Groenlandais étaient allés en Allemagne il y a trois ans a beaucoup contribuer à leur rendre un tel voyage souhaitable”.
  • Un peu plus bas dans le troisième paragraphe, il est écrit que “l’idée d’un salaire régulier lui avait probablement plu“.  Dans une de ses lettres adressées au Frère Elser, Abraham explique clairement les raisons qui l’ont poussé à accepter de partir pour l’Europe. Il a écrit : “… mais comme j’étais dans une grande misère matérielle, j’ai supplié le Seigneur de m’aider à m’en sortir et d’entendre mes soupirs, car je n’étais plus en mesure de subvenir aux besoins des miens, ce qui m’avait toujours autrefois été possible … Comme je doutais de parvenir à l’aide de mon kayak à rembourser mes dettes et celles de mon défunt père, j’ai cru (à cette occasion) pouvoir rassembler l’argent qui me permettrait de la payer. … J’ai alors pensé : C’est la voie du Seigneur! Nous avons tous beaucoup pleuré, ma femme, moi, nos proches; mais personne n’a essayé de nous retenir. C’est ainsi que devant Dieu nous avons pris notre décision”. Il aurait donc été plus exact d’écrire qu’Abraham “a cru voir, en cette occasion de gagner un revenu, un signe de Dieu qui lui permettrait d’améliorer les conditions de vie de sa famille“.
  • Dans le quatrième paragraphe, Tobias est identifié comme étant de Nachvak. Tobias était un chrétien de la communauté de Hebron.
  • À la page 36, il est écrit que le Muséum national d’histoire naturelle ne s’opposerait pas à une demande de rapatriement. Selon moi, il est important d’en mentionner la raison : parce que les restes ont une identité.  La politique du musée est de s’opposer aux demandes de rapatriement de restes anonymes, mais d’accepter celles qui touchent les restes identifiés.
  • Le voyage en Europe avec Johannes Lampe a été rendu possible par le tournage du documentaire, Piégés dans un zoo humain. L’article comporte plusieurs photos de ce tournage, mais le texte est silencieux sur la façon dont ce film documentaire a vu le jour. L’équipe éditoriale du World Policy Institute a donc suggéré que l’on ajoute un paragraphe à ce sujet. Voici la section qui a été incorporée à la version du texte publiée sur Arctic in Context, et ce, juste après le paragraphe où il est indiqué que, pendant trois ans, j’ai effectué des recherches afin de fournir aux décideurs un tableau complet des événements passés : “En cours de route, le producteur Roch Brunette (Pix3 Films), a entendu parler de l’histoire d’Abraham et de mes recherches via un article publié dans un journal de la région d’OttawaGatineau. Intrigué, il est entré en contact avec moi. Un an plus tard, il avait recueilli le soutien de télédiffuseurs canadiens ainsi que le financement nécessaire pour débuter le tournage d’un documentaire, Piégés dans un zoo humain. Dans le cadre de ma participation à ce documentaire, j’ai voyagé avec Johannes Lampe à Hambourg, Berlin, et Paris pour l’amener sur les traces d’Abraham“.
  • Pour clore, dans le dernier paragraphe, il est écrit que le gouvernement du Nunatsiavut “cherche actuellement à déterminer s’il y a des descendants de la famille Ulrikab“. Je suis d’avis que cette phrase aurait dû se lire comme suit : “Le gouvernement du Nunatsiavut est occupé à définir sa politique de rapatriement, et à essayer d’identifier des descendants vivants des familles d’Abraham et de Tigianniak“. La politique de rapatriement du Nunatsiavut est la phase principale qui mènera éventuellement à l’émission de la demande officielle de rapatriement. Par conséquent, afin de donner une image précise des étapes actuellement entreprises par le gouvernement, cette dernière se doit d’être mentionnée. Pour ce qui est de la recherche de descendants, pour autant que je sache, “Ulrikab” n’est pas un nom de famille utilisé dans la communauté inuite. À l’époque d’Abraham, les Inuits du Labrador ne portaient pas de nom de famille. Afin de distinguer les individus ayant le même prénom, ils ajoutaient le prénom de leur conjoint. Donc, Ulrikab signifie simplement “mari d’Ulrike”. Aussi, je crois comprendre que le gouvernement du Nunatsiavut est à la recherche de descendants des familles de tous les adultes qui sont morts en Europe, mais cela dit, ils savent que la probabilité est mince de trouver une preuve écrite reliant les membres de la famille païenne à des personnes vivantes.
  • J’ose espérer que ces quelques notes s’avèrent utiles.

    Merci à l’équipe éditoriale de la revue Inuktitut pour leur intérêt à partager l’histoire d’Abraham avec tous les foyers inuits au Canada, et même au-delà, pour leur temps et leurs efforts à traduire le texte et à le rendre si attrayant.

    Merci à Erica Dingman, directrice d’Arctic in Context, d’avoir repéré l’article, puis initié la demande de republication, permettant ainsi au texte de rejoindre un nouveau public. Merci également à son équipe éditoriale pour leur temps et leurs suggestions / conseils lors des différentes itérations de révisions.

    S’il y a des aspects de l’histoire qui ne sont toujours pas claires, ou si vous avez des questions, n’hésitez pas à me les envoyer.

    Merci d’avoir pris le temps de lire ce billet! Excellente journée!
    France Rivet

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